1e PARTIE : LE COURS DE DESSIN A SITE 2
J'ai donc commencé mon travail à Site 2 comme professeur de dessin en novembre 1986. J'ai été alors face à un choix: considérer le dessin comme un passe-temps ou comme une recherche de l'expression personnelle. Convaincue de la trajectoire exceptionnelle et dramatique de chacun de mes élèves, la deuxième option me semblait s'imposer. La recherche de l'expression particulière consiste à bâtir et creuser l'imaginaire qui n'est au début qu'au stade embryonnaire. Compte tenu du fait qu'il y a autant d'expressions différentes qu'il y a d'élèves, il n'existe pas une méthode d'enseignement, les élèves doivent tout trouver par eux-mêmes. Le professeur est là tout à la fois pour encourager, critiquer, rassurer, sentir la direction propre de l'élève et de l'y pousser. De mes années d'études aux Beaux-Arts de Paris, j'ai conservé quelques principes solides auxquels je me suis référée dans ma méthode d'enseignement :
- ne jamais toucher (ne serait-ce qu'un trait) aux dessins des élèves, supprimer toutes références picturales, ne pas imposer de thème (sauf en cas de projet collectif, bien sûr) et exiger une pratique inlassable du croquis d'observation (paysage et modèle vivant).
La première condition d'une telle démarche est de renoncer aux techniques (traditionnelles à Site 2) de copie (avec ou sans quadrillage), mais s'efforcer à l'observation de la nature et y revenir toujours.
La plupart de mes élèves, parmi lesquels beaucoup d'orphelins, étaient âgés, la première année, de 10 à 12 ans. Les enfants sont plus proches de leur propre "centre" et n'ont pas toutes les barrières, si fortes chez l'adulte, entre le conscient et l'inconscient. Sophearoat (10 ans à l'époque), parvient en une seule image à livrer toute une expérience de guerre, d'exode, d'exil et même, plus largement, de la précarité de la vie humaine, sans tomber dans les pièges de la représentation réaliste
- ne jamais toucher (ne serait-ce qu'un trait) aux dessins des élèves, supprimer toutes références picturales, ne pas imposer de thème (sauf en cas de projet collectif, bien sûr) et exiger une pratique inlassable du croquis d'observation (paysage et modèle vivant).
La première condition d'une telle démarche est de renoncer aux techniques (traditionnelles à Site 2) de copie (avec ou sans quadrillage), mais s'efforcer à l'observation de la nature et y revenir toujours.
La plupart de mes élèves, parmi lesquels beaucoup d'orphelins, étaient âgés, la première année, de 10 à 12 ans. Les enfants sont plus proches de leur propre "centre" et n'ont pas toutes les barrières, si fortes chez l'adulte, entre le conscient et l'inconscient. Sophearoat (10 ans à l'époque), parvient en une seule image à livrer toute une expérience de guerre, d'exode, d'exil et même, plus largement, de la précarité de la vie humaine, sans tomber dans les pièges de la représentation réaliste
la Désolation - Sophearoat
aquarelle faite en 1987 à Site 2 (Thaïlande)
Les amis Khmers à qui je montrais cette aquarelle, très souvent me disaient "Je n'aime pas cette image, elle me rappelle le Cambodge sous Pol Pot".
aquarelle faite en 1987 à Site 2 (Thaïlande)
Les amis Khmers à qui je montrais cette aquarelle, très souvent me disaient "Je n'aime pas cette image, elle me rappelle le Cambodge sous Pol Pot".
Avec ce but d'enseignement, je laissais horaire libre ; mes élèves avaient complète liberté de présence et d'absence, aussi bien celle de venir matin et soir et tous les jours. Pour la plupart, ils venaient après l'école d'enseignement général qui se passait en demi-journée.
Les jeunes Khmers possèdent, en général, un sens et un plaisir innés de la couleur et de la composition, ce qui n'empêche pas qu'il faille les astreindre, afin qu'ils ne tombent pas dans la fatale répétition de la même image, à l'étude théorique de la perspective et à son application pratique à travers l'observation de paysages, rues, bâtiments... Après ces passages obligés à l'acquisition des techniques indispensables, l'expression personnelle s'enrichit spontanément
Les jeunes Khmers possèdent, en général, un sens et un plaisir innés de la couleur et de la composition, ce qui n'empêche pas qu'il faille les astreindre, afin qu'ils ne tombent pas dans la fatale répétition de la même image, à l'étude théorique de la perspective et à son application pratique à travers l'observation de paysages, rues, bâtiments... Après ces passages obligés à l'acquisition des techniques indispensables, l'expression personnelle s'enrichit spontanément
Une des expériences les plus passionnantes était de voir leur évolution de plus en plus rapide au fur et à mesure que la dynamique à l'intérieur du groupe devenait plus forte, plus solide et, par là, plus créatrice. En 1990, j'avais donné pour consigne à mes élèves de raconter une histoire en images. Ce nouveau projet, dès que les enfants ont compris ce que j'attendais d'eux, a encore renforcé ce mécanisme de dynamique de groupe.
Le premier à ouvrir la danse était ... avec une très drôle histoire de crocodile. A partir de là, et comme les enfants se copient les uns les autres, les thèmes et les images ont commencé à tourner de plus en plus vite entre les élèves. Les enfants n'ont pas cette espèce de fausse pudeur (qui n'est en fin de compte que de l'orgueil) des adultes qui cherchent à se garder de toute influence de leur voisin ou de la masquer par des artifices. Les enfants, eux, jouent carte sur table. L'idée de l'un était reprise par un autre, qui lui donnait des développements nouveaux, pour être ensuite reprise par un autre encore, qui ouvrait de nouvelles pistes. Les histoires se sont enchaînées, des thèmes émergeaient, toujours plus foisonnants et même délirants. On a eu des serpents volants, des ballons auquel s’accrochaient des personnages... tous les moyens étaient bons pour quitter le camp. Puis Lat, à partir d'un cheval de bois marionnette, s'échappait du camp en enfourchant son cheval vers un Cambodge rêvé, qu'il imaginait comme Hong Kong ou les villes de Taiwan - seules images disponibles dans le camp par le biais des vidéos. Bientôt suivi par Socka pour qui le cheval et l'éléphant sont devenus volants.
De son côté, Vutha tâtonnait, à califourchon sur une girafe et rencontrant son double. Je ne sais pas si, par souci d'originalité, de fierté ou d'orgueil, il avait cherché des supports différents de ceux des autres. Son choix, en tout cas, n'a pas été fructueux. Il n'a jamais pu finir son histoire.
Roat est l'un de mes élèves qui en 1986/1987 a ouvert le chemin de la créativité. Au cours de cette année, il était aussi crasseux que tous les autres. Même un peu plus, et cela avait probablement un lien avec son expérience sous Pol Pot. Il était pourtant tout petit à cette époque et les enfants, en principe, subissaient un régime moins rigoureux que celui des adultes. Mais, selon les dires de sa grand-mère, dans sa région, sévissait un chef khmer rouge plus sadique que la moyenne. Même les enfants faisaient les frais de sa cruauté. Elle me racontait que Roat était battu sans merci et qu'elle, obligée d'assister à la scène, ne pouvait même pas pleurer car cela aurait signifier la mort pour elle et la perte pour Roat de son seul refuge. Selon elle, son petit-fils avait été cassé par les khmers rouges et il en avait gardé un "esprit dérangé".
Il n'avait pas "l'esprit dérangé" mais assurément il avait un comportement tout à fait original. Il n’appartenait pas au groupe, totalement indépendant, incontrôlable (et je ne cherchais nullement à le contrôler) il venait dans le cours quand cela lui chantait, restant parfois toute la demi-journée, parfois en coup de vent, debout et griffonnant sur un coin de table des esquisses et des aquarelles qui, au cours de l'année, sont devenues incroyables. Il a eu sa période bleue, sa période rose, sa période jaune... passant de l’impressionnisme au souci du détail et produisant des images qui parlaient à tout le monde.
Il n'avait pas "l'esprit dérangé" mais assurément il avait un comportement tout à fait original. Il n’appartenait pas au groupe, totalement indépendant, incontrôlable (et je ne cherchais nullement à le contrôler) il venait dans le cours quand cela lui chantait, restant parfois toute la demi-journée, parfois en coup de vent, debout et griffonnant sur un coin de table des esquisses et des aquarelles qui, au cours de l'année, sont devenues incroyables. Il a eu sa période bleue, sa période rose, sa période jaune... passant de l’impressionnisme au souci du détail et produisant des images qui parlaient à tout le monde.
Cette aquarelle est étonnante. Roat l'a faite au cours de sa "période jaune". Le temple d'Angkor, qu'il n'a jamais vu si ce n'est sur les représentations extrêmement détaillées qu'en faisaient les artistes de Site 2 : toujours la même vue reproduite par système de quadrillage, dans des couleurs "chromos" de plein soleil. Mais Roat fait le temple sur fond de soleil couchant et c'est déjà presque un sacrilège : le soleil ne se couche pas sur Angkor, il se lève ! Il le fait basculer sur la ligne d'horizon, transforme les tours en obus (c'est encore plus clair pour les parties qui sont déjà dans la chute - celles dans l'autre moitié gardent encore du relief), et plonge la tour centrale dans une grande ombre noire. Mais dans tout ça, il ménage une toute petite porte blanche qui figure l'espoir.
En une seule image, il a réuni à la fois son expérience de vie et celle de son pays !
le Temple d'Angkor, Roat, 1897, Site 2
En une seule image, il a réuni à la fois son expérience de vie et celle de son pays !
le Temple d'Angkor, Roat, 1897, Site 2
Roat, au cours de 1987, s'est métamorphosé. A la fin de l'année, je l'ai emmené à l'hôpital pour ouvrir l'abcès purulent qu'il avait sur la poitrine. Il se tenait en quelque sorte incurvé autour, les deux épaules ramenées en avant comme pour protéger ce "nid d'infection". Je ne sais pourquoi j'avais attendu si longtemps avant d'agir, faute de temps, débordée par le tourbillon de mes élèves et des choses à faire. Mais il me semble que ça a été le bon moment. C'était peu avant des vacances pour moi en France. A mon retour, Roat était transformé, élégant, droit comme un "i", les épaules dégagées, la tête haute. Cela a été aussi la fin de son implication dans l'image. Il ne faisait plus que des passages éclairs, en touriste, dans le cours, pour ma plus grande nostalgie. Il était passé à autre chose, il n'avait plus besoin du dessin.
Je n'ai jamais eu l'intention de faire un atelier d'Art Thérapie. Je me suis contentée d'appliquer ce que j'avais moi-même reçu aux Beaux-Arts, avec ces quelques principes directeurs, de ne pas montrer, ne pas corriger et respecter la bulle d'intimité de l'élève jusqu'à ne jamais passer derrière lui et glisser un coup d’œil indiscret. Ne pas regarder son dessin avant qu'il ne me l'apporte lui-même pour passer le test de la critique. Ils me trouvaient parfois impitoyable, et je revois encore certains d'entre eux me montrant de loin leur production, qu'ils déchiraient sans attendre mon verdict en le qualifiant de papier brouillon (un mauvais dessin était coupé en deux et l'envers servait à la recherche de couleurs : pas de gaspillage, économie oblige !)
Il y a eu toutes sortes d'investissements dans ce cours. Chacun cherchant une pièce indispensable à son histoire et à son développement, mais une pièce unique valable que pour lui-même.
Il y a eu toutes sortes d'investissements dans ce cours. Chacun cherchant une pièce indispensable à son histoire et à son développement, mais une pièce unique valable que pour lui-même.
Vutha avait un caractère très affirmé, exigeant, critique, avec un très haut sens de la justice et de l'équité. Je le revois encore, tout petit (il avait une douzaine d'années) m'attendant le sourcil froncé, les bras croisés sur la poitrine et me jetant des propos acerbes quand j'arrivais en retard. Il avait raison: je n'étais pas toujours exacte à mes rendez-vous, même si j'avais quelques circonstances atténuantes. 80 kms de mauvaises routes, truffées de surprises désagréables telles que motocyclistes ou buffles débouchant sans prévenir de n'importe où, camions, forts de leur gabarit, forçant le passage, pluies torrentielles, trous dans la chaussée...
J'adorais son sale caractère, brisant totalement les codes khmers qui régissent les rapports entre les gens. Tout se dit (et doit se dire) avec des sourires. Combien de fois ai-je entendu des adultes parler de la mort de toute leur famille sous Pol Pot avec un large sourire ! Pour les Khmers, on ne doit pas faire étalage de son intériorité, ne jamais perdre la face et ne pas la faire perdre à son interlocuteur. Mais Vutha n'était pas comme ça. Lui ne faisait pas mystère de son ressenti.
Il ne le savait pas, mais son tempérament très direct était pour moi une vraie bouffée de fraîcheur ! Savoir qu'il m'attendait, furibond, était pour moi précieux, et il était très fidèle et exact. Beaucoup de mes élèves avaient compris qu'il fallait ajuster leur arrivée à mon retard probable.
C'était un plaisir de les regarder tous - petits princes en haillon. Dans le camp, quand j'avais une voiture, je les emmenais se promener. Ils étaient crasseux comme des peignes et on avait intérêt à laisser les fenêtres ouvertes - et pas qu'une ! - pour créer un courant d'air ! Mais arrivés à l'adolescence, tout d'un coup, ils devenaient très propres, avec un grand souci d'élégance, d'autant plus méritoire que l'eau était rare dans le camp.
J'adorais son sale caractère, brisant totalement les codes khmers qui régissent les rapports entre les gens. Tout se dit (et doit se dire) avec des sourires. Combien de fois ai-je entendu des adultes parler de la mort de toute leur famille sous Pol Pot avec un large sourire ! Pour les Khmers, on ne doit pas faire étalage de son intériorité, ne jamais perdre la face et ne pas la faire perdre à son interlocuteur. Mais Vutha n'était pas comme ça. Lui ne faisait pas mystère de son ressenti.
Il ne le savait pas, mais son tempérament très direct était pour moi une vraie bouffée de fraîcheur ! Savoir qu'il m'attendait, furibond, était pour moi précieux, et il était très fidèle et exact. Beaucoup de mes élèves avaient compris qu'il fallait ajuster leur arrivée à mon retard probable.
C'était un plaisir de les regarder tous - petits princes en haillon. Dans le camp, quand j'avais une voiture, je les emmenais se promener. Ils étaient crasseux comme des peignes et on avait intérêt à laisser les fenêtres ouvertes - et pas qu'une ! - pour créer un courant d'air ! Mais arrivés à l'adolescence, tout d'un coup, ils devenaient très propres, avec un grand souci d'élégance, d'autant plus méritoire que l'eau était rare dans le camp.
Je revois Sareth, mince, élégant, maniant le crayon avec facilité, très intelligent, peut-être plus cérébral qu'artiste mais analysant très finement la démarche artistique. A l'heure actuelle, il est directeur artistique aux Artisans d'Angkor. J'avais rêvé qu'il occupe à terme le rôle de public relation dans le centre artistique de Phare à Battambang, qu'il mette sa grande aisance de langage et son intelligence aussi bien "politique" qu'artistique au service du centre, mais les circonstances en ont décidé autrement.
Deth : il était timide et réservé. Son expression n'était pas le dessin. Il n'était pas seul dans son cas. Certains de mes élèves étaient dans le cours pour tout autre chose que le dessin ou la peinture. Cela a été le cas aussi pour Thouk et Lao. Et pourtant, ils ont tous suivi jusqu'au bout l'aventure de Phare au Cambodge. Thouk est devenu chef cuisinier dans un grand restaurant de Phnom Penh. Lao est devenu responsable technique d'un hôtel très huppé de la capitale.
En ce qui concerne Deth, j'ai appris par la suite qu'il suivait aussi dans le camp un cours d'initiation à l'acrobatie, ce qui lui assurera une place sans concurrence dans notre centre de Battambang lors de l'ouverture de l'activité cirque. Actuellement, il est directeur du cirque après avoir été (et être toujours) un professeur très performant. A ce point performant qu'il laissait époustouflés les professeurs de l'école de cirque de Phnom Penh constatant les progrès fulgurants de ses élèves.
En ce qui concerne Deth, j'ai appris par la suite qu'il suivait aussi dans le camp un cours d'initiation à l'acrobatie, ce qui lui assurera une place sans concurrence dans notre centre de Battambang lors de l'ouverture de l'activité cirque. Actuellement, il est directeur du cirque après avoir été (et être toujours) un professeur très performant. A ce point performant qu'il laissait époustouflés les professeurs de l'école de cirque de Phnom Penh constatant les progrès fulgurants de ses élèves.
En 1993, à la fermeture des camps et après m'être rendue sur place pour constater que les chances d'avenir pour eux étaient très minces, j'avais pris la décision de les suivre au Cambodge et d'ouvrir une activité qui leur donnerait un outil de travail. Il était bien évident qu'il fallait orienter notre action en fonction de notre savoir-faire : dessin, peinture. Bien qu'il semblait totalement utopique de se lancer dans les matières artistiques alors que la situation des réfugiés et de bon nombre de Khmers restés au pays n'assurait même pas les "besoins de base". Il s'agissait d'un pari, mais c'était le seul que nous pouvions faire. Je voulais, pour mes élèves qui étaient maintenant des adolescents ou de jeunes adultes, un outil de travail entre leurs mains qui puisse leur ouvrir un avenir. Et parce que la solidarité est la base même du développement, j'avais choisi un quartier pauvre de Battambang. Ce n'était pas un pari gagné d'avance, il a fallu des années pour mettre au point le système qui allait permettre aux familles pauvres de laisser leurs enfants s'occuper de l'"inutile", du "plus" que représente l'art, alors qu'elles n'ont même pas de quoi assurer l'ordinaire. Je n'ai fait qu'ouvrir ce tâtonnement, ce sont mes successeurs qui, petit à petit, ont réussi à mettre au point un système pérenne en ouvrant dans le site de l'école l'enseignement scolaire (toujours à mi-temps). Les enfants, ainsi sur place, peuvent consacrer leur deuxième mi-temps à l'enseignement artistique.
Quoiqu'il en soit, en posant les premières pierres, ou plutôt en jetant les premières pelletées de terre - c'est une rizière, pour finir, que j'ai achetée en 1994 et qu'il s'agissait de tirer hors d'eau -, je ne pensais pas aux difficultés qu'il faudrait traverser. Quant à "mes" élèves, il n'y pensaient pas du tout. Ils étaient jeunes, ils avaient besoin d'insouciance et d'expérimentations. Aussi bien ils étaient beaucoup plus préoccupés de séduire les filles et de chercher les limites de toutes sortes d'expériences que de poursuivre leur recherche artistique. Ils m'en ont fait voir de toutes les couleurs ! Avec le recul, je sais que cette période d'irresponsabilité leur était nécessaire pour arriver à l'âge adulte.
Sareth, qui a toujours le don de trouver des formules choc grâce à sa facilité de langage et à sa fine intelligence psychologique, m'a dit un jour quelque chose comme : "Mais tu sais, avec les gens de l'extérieur, on n'est pas comme ça ! Seulement avec toi, on a besoin d'expérimentation". J'avais été agacée mais aussi, et surtout, assez rassérénée, touchée aussi par cette belle preuve de confiance qui consistait à me réserver l'exclusivité des coups pendables !
J'avais donc décidé d'ouvrir le centre avec ce que nous savions le mieux faire : dessin et peinture, mais aussi chant choral et bibliothèque enfantine (profitant de l'offre d'expatriés de passages). J'avais aussi le projet d'ouvrir dès que possible l'activité cirque, convaincue que cette matière est faite pour les Khmers. Le mime aussi, activités parfaitement adaptées à leur sensualité et à leur aptitude au rêve. Ce volet de notre programme, je n'ai pu l'ouvrir moi-même, obligée pour des raisons de santé de rentrer en France plus tôt que prévu et de passer le relais à une autre ONG. C'est ERM (Enfants Réfugiés du Monde) qui l'a mis en place.
Quoiqu'il en soit, en posant les premières pierres, ou plutôt en jetant les premières pelletées de terre - c'est une rizière, pour finir, que j'ai achetée en 1994 et qu'il s'agissait de tirer hors d'eau -, je ne pensais pas aux difficultés qu'il faudrait traverser. Quant à "mes" élèves, il n'y pensaient pas du tout. Ils étaient jeunes, ils avaient besoin d'insouciance et d'expérimentations. Aussi bien ils étaient beaucoup plus préoccupés de séduire les filles et de chercher les limites de toutes sortes d'expériences que de poursuivre leur recherche artistique. Ils m'en ont fait voir de toutes les couleurs ! Avec le recul, je sais que cette période d'irresponsabilité leur était nécessaire pour arriver à l'âge adulte.
Sareth, qui a toujours le don de trouver des formules choc grâce à sa facilité de langage et à sa fine intelligence psychologique, m'a dit un jour quelque chose comme : "Mais tu sais, avec les gens de l'extérieur, on n'est pas comme ça ! Seulement avec toi, on a besoin d'expérimentation". J'avais été agacée mais aussi, et surtout, assez rassérénée, touchée aussi par cette belle preuve de confiance qui consistait à me réserver l'exclusivité des coups pendables !
J'avais donc décidé d'ouvrir le centre avec ce que nous savions le mieux faire : dessin et peinture, mais aussi chant choral et bibliothèque enfantine (profitant de l'offre d'expatriés de passages). J'avais aussi le projet d'ouvrir dès que possible l'activité cirque, convaincue que cette matière est faite pour les Khmers. Le mime aussi, activités parfaitement adaptées à leur sensualité et à leur aptitude au rêve. Ce volet de notre programme, je n'ai pu l'ouvrir moi-même, obligée pour des raisons de santé de rentrer en France plus tôt que prévu et de passer le relais à une autre ONG. C'est ERM (Enfants Réfugiés du Monde) qui l'a mis en place.
Lao était celui qui, plus que tout autre, avait percé le secret de l'aquarelle. Il était en adéquation parfaite avec l'eau, la couleur et le temps, à cet endroit précis où les éléments de l'aquarelle se mettent à jouer ensemble pour produire des matières subtiles. Il avait aussi un espace onirique d'une rare poésie.
Bandol...
Nã
Thouk
Iao
Ce cours nous a laissé à tous des marques profondes. Je voudrais que cette page soit l'occasion à chacun de parler de ce qu'il a vécu, du cours de dessin au centre artistique de Battambang, de revisiter l'histoire, de la mettre en mot en vue de la comprendre mieux
Bun Chen
Bun Chen